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Naufrages de migrants : qui est responsable ?

Shipwrecked migrants: who is responsible?

 

« On ne peut pas faire comme si chaque tragédie allait être la dernière »

Le naufrage, dans la nuit de samedi 18 à dimanche 19 avril, d’un bateau de pêche chargé de migrants serait le plus important qu’ait connu la Méditerranée. Sept cents personnes parties d’une plage de Libye y auraient trouvé la mort. Quarante-huit sont saines et sauves, mais les recherches se poursuivaient dimanche pour trouver d’autres survivants, en espérant que certains passagers aient pu échapper à la noyade grâce à une température de l’eau plus clémente à cette saison.

L’accident a eu lieu lorsque les passagers de ce chalutier de 20 à 30 mètres de longueur se sont précipités d’un seul côté du bateau pour signaler leur présence à un porte-conteneurs portugais, le King-Jacob. Ce dernier avait été dérouté par les gardes-côtes italiens à la suite d’un appel de détresse envoyé par un des migrants ou un passeur.

Depuis le 1er janvier, 1 500 personnes environ sont mortes dans le canal de Sicile, contre à peu près 90 lors de la même période en 2014, selon les chiffres « par défaut » de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Pourtant, le nombre d’arrivées de janvier à avril est identique : environ 20 000.

Naufrages de migrants : qui est responsable ?

Après l'émotion, vient le temps des questions. Les images du naufrage de dimanche 19 avril au large des côtes libyennes ont fait place à une interrogation, lancinante : à qui la faute ? Qui est responsable de la mort de ces huit cents personnes embarquées sur un chalutier surchargé vers l'Europe ? Et de la disparition de quatre cents migrants le 12 avril, des quarante noyés du 16 avril, des trois morts de lundi, en mer Egée...

La liste des naufrages meurtriers est déjà longue cette année. Presque autant que celle des responsabilités. Car de la justice italienne au personnel politique européen, en passant par les associations humanitaires, chacun désigne son coupable.

  • Le capitaine du chalutier

Selon les témoignages de la vingtaine de rescapés, les fausses manœuvres du capitaine et la surcharge du chalutier ont provoqué la collision du navire avec un cargo portugais venu à sa rescousse, dans la nuit de samedi 18 à dimanche 19 avril. 

Le parquet de Catane, en Sicile, a donc annoncé, mardi, l'arrestation du capitaine du bateau de pêche.

  • Les passeurs

Pour le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, le problème n'est pas celui du contrôle des mers, mais celui de la mise hors d'état de nuire des passeurs « esclavagistes » en Libye. Le premier ministre a ainsi évoqué, dimanche, la possibilité d'« interventions ciblées pour détruire un racket criminel ».

Les migrants qui avaient embarqué sur le chalutier qui a chaviré dimanche avaient payé entre 500 et 1 000 dinars libyens (entre 330 et 660 euros) pour le prix de leur passage, selon les enquêteurs.

  • Le programme de sauvetage européen

« Ces morts auraient tout à fait pu être évitées si l'UE avait lancé une véritable opération de recherche et de sauvetage. » Judith Sunderland, directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch, a la dent dure contre Frontex, l'agence européenne de protection des frontières, et sa mission « Triton »

Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), mille six cents personnes sont mortes en Méditerranée en 2015, contre quatre-vingt-dix l'an dernier à la même période. Un bilan jugé désastreux par les défenseurs des droits humains, qui mettent en cause la responsabilité de l'opération européenne.

Il faut dire que le budget de « Triton » est trois fois inférieur à celui de « Mare nostrum », l'opération mise en place par Rome après la catastrophe de Lampedusa. 

  • La politique migratoire de l'Europe

Pour Volker Turk, haut-commissaire adjoint des Nations unies pour les réfugiés, il est essentiel que l'asile soit placé au centre des débats au cours de la réunion de crise.

« Les dirigeants politiques européens devront apporter les réponses qui conviennent, basées sur les valeurs fondamentales de l'Europe, sur les droits humains et la dignité humaine, la responsabilité, la solidarité. »

Même constat de la Croix-Rouge italienne, pour qui il faut remettre l'humanitaire au centre du débat. Car, « on peut fermer une route de migrants, y compris en Libye, mais une autre s'ouvrira ailleurs », a expliqué son président, Francesco Rocca.

Pour la communauté catholique Sant'Egidio, très impliquée en Italie dans l'aide aux migrants, il faut accepter de traiter sur place les demandes des réfugiés en créant des « bureaux humanitaires » au Maghreb ou au Liban, qui procéderaient à un« premier tri » des migrants et les aideraient à obtenir des « visas humanitaires »pour l'Europe.

  • Le chaos en Libye

Dernier coupable désigné : la Libye, plaque tournante de l'émigration africaine.

En raison de son positionnement géographique, la Libye a toujours vu les populations nomades sahariennes transiter par son territoire. Mais depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi, en 2011, le nombre de migrants fuyant vers l'Europe, en traversant un pays en plein chaos, a explosé. 

Ces flux sont devenus quasi impossibles à contrôler par l'administration du pays, déchiré par les rivalités entre milices. Et la faillite de l'Etat libyen fait le jeu des passeurs de migrants d'origine subsaharienne. 

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