Laurent Stefanini est pourtant à Rome en terrain connu. Agé de 55 ans, l’actuel chef du protocole de l’Elysée y a été numéro 2 de l’ambassade de 2001 à 2005. Ce catholique pratiquant, célibataire et sans enfant, qui se dit adepte des vertus chrétiennes de « tempérance » et de « charité », y a donc des contacts, des réseaux, et la curie romaine a pu le « tester » lors de son premier passage. Sa nomination en conseil des ministres, le 5 janvier, semblait donc lui ouvrir tout grand les portes du Vatican.
C’était sans compter sur des âmes « charitables » qui, à Paris comme à Rome, ont voulu faire de son orientation sexuelle un handicap et se sont mobilisées pour faire échouer sa nomination. Dès janvier, la nonciature à Paris (représentation du Vatican), qui se refuse à tout commentaire, a fait savoir que cette candidature avait peu de chance d’être agréée par les services pontificaux. Une intense campagne en sa faveur s’enclenche alors, relayée par des prélats français. Le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, remet au pape, en février, une lettre attirant son attention sur l’interprétation qui pourrait être faite d’un refus, au regard de l’orientation sexuelle de M. Stefanini. Cette affaire a d’ailleurs un précédent : en 2008, le Saint-Siège avait refusé la nomination d’un ambassadeur pacsé.
L’agitation qui s’est emparée de son entourage sur cette affaire finit par irriter le pape François. N’entendant pas se faire forcer la main, le pontife décide donc de geler le dossier. L’affaire en est là, mais la décision ne va pas de soi au moment où le pape tente de convaincre son Eglise de mieux accueillir en son sein les homosexuels. « Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? », avait lancé le pape en juillet 2013. De nombreux catholiques concernés avaient vu dans cette phrase le signe précurseur d’une évolution. La Villa Bonaparte, elle, attend toujours son nouvel occupant.