Quelles sont exactement les revendications des taxis, et que valent leurs arguments ? Explications.
1. Qu’est-ce qui distingue un taxi d’un VTC ou d’un Uber ?
La société américaine Uber met en relation, à travers une application sur smartphone, des clients désireux de se déplacer avec des chauffeurs… qui ne sont pas des taxis. Avec son service, elle s’est mis à dos tous les chauffeurs de taxi de la planète.
Les premiers concurrents des taxis sont les VTC, une activité réglementée avec des chauffeurs qui ont suivi 250 heures de formation et ont carte professionnelle délivrée par la préfecture. Uber et de très nombreuses autres sociétés (Chauffeur privé, LeCab, AlloCab, etc.) proposent ce service. Depuis quelques jours, les taxis peuvent également.
Le client, qui a trouvé son chauffeur grâce à la géolocalisation, se fait conduire sur la base d’un tarif établi en fonction de la gamme du véhicule et des heures de prise en charge, ou de l’encombrement du trafic.
Autant de différence avec les taxis, dont le système de réservation est différent, qui ont une obligation légale de calculer les prix en fonction de la distance parcourue ou du temps passé, selon un barème officiel établi par arrêté préfectoral.
Les taxis ont obtenu certaines concessions des autorités françaises pour limiter la concurrence des VTC. Un VTC est ainsi obligé d’être commandé à l’avance, et ne peut pas « marauder » en attendant qu’un client lui fasse signe dans la rue, ce qui reste l’apanage des taxis, comme l’a confirmé le Conseil constitutionnel en mai. Les taxis sont également les seuls à pouvoir disposer de stations dans les grandes villes.
Le développement d’Uber s’explique néanmoins précisément parce que les options de l’application facilitent la prise en charge par un chauffeur VTC (commande sur son mobile, paiement par carte bancaire directement dans l’application, notation des chauffeurs, etc.).
2. Contre qui les taxis s’énervent-ils ?
C’est UberPop, un service où monsieur Toulemonde peut proposer ses services avec sa voiture pour arpenter les villes, qui a déclenché la colère des taxis, qui reprochent notamment aux chauffeurs d’être des amateurs dont les véhicules ne sont pas sûrs.
Officiellement, le service UberPop est interdit en France depuis le 1er janvier. En réponse aux manifestations du 25 juin, Bernard Cazeneuve a même demandé qu’un arrêté préfectoral soit pris pour interdire UberPop à Paris. Le Conseil constitutionnel a confirmé l’interdiction du service en septembre dernier.
La grève actuelle vise à « mettre la pression sur le gouvernement avant la publication des décrets » sur la formation des chauffeurs VTC, sur laquelle règne actuellement un vide juridique, selon le PDG de la société de VTC Chauffeur-Privé, Yann Hascoët.
3. Pourquoi les taxis paient-ils leur licence aussi cher ?
Parmi les arguments des taxis autour de la « concurrence déloyale » du VTC, il y a la question des licences.
Les taxis sont une profession réglementée : on ne peut l’exercer sans obtenir un certificat de capacité professionnelle, délivré par les préfectures après un examen et des heures de formation. Le véhicule doit également comporter certains équipements obligatoires (taximètre, dispositif lumineux sur le toit).
Mais surtout, la profession de taxi est soumise, depuis bien longtemps, à un numerus clausus : la préfecture ne délivre qu’au compte-gouttes les licences permettant d’effectuer ce métier. Si la situation a changé à force de rapports dénonçant cet état de fait – souhaité au départ par les organisations de taxis afin de limiter la concurrence et donc les baisses de tarifs – les délais restent longs pour quelqu’un qui veut faire ce métier et obtenir une autorisation par les voies normales.
La pratique est donc désormais celle du rachat d’une licence existante à un autre chauffeur qui s’en sépare. Or, ces licences peuvent coûter très cher : sur ce forum de chauffeurs, en Ile-de-France, les prix oscillent entre 100 000 euros pour une ville de banlieue et 200 000 euros, voire plus, pour Paris.
L’investissement de départ est donc important. D’autant plus qu’il y a eu durant des années une spéculation sur ces licences, dont les prix ont grimpé. Un VTC, pour sa part, n’a pas cet investissement de départ à réaliser pour se lancer, un véhicule suffit.
4. Et le transport médical ?
Les taxis profitaient depuis longtemps d’un marché intéressant, qui pouvait représenter la majeure partie de l’activité du secteur : le transport de malades assis sur prescription médicale. L’Assurance-maladie rembourse en effet dans bien des cas des déplacements de patients dont l’état le justifie.
Mais depuis quelques années, cette activité – qui a parfois donné lieu à des abus – diminue, les médecins, poussés par l’Assurance-maladie à faire des économies, prescrivant moins ces transports, qui ne sont dès lors plus remboursés pour les patients. Une perte substantielle de clients pour les taxis.
5. Que fait l’Etat ?
L’Etat oscille entre deux positions parfois contradictoires : d’un côté, la volonté de déréglementer un peu le secteur des taxis, congestionné, et posant de ce fait de réels soucis, notamment à Paris, où il y a une réelle pénurie de taxis ; et de l’autre, le souci de ménager les chauffeurs de taxi.
L’éphémère ministre Thomas Thévenoud avait d’abord été chargé d’une médiation entre taxis et VTC, imposant notamment un délai minimum de 15 minutes entre réservation et prise en charge par un VTC. Mais le conseil d’Etat a annulé cette disposition, suscitant la colère des taxis.
Parallèlement, le Conseil constitutionnel, lui, a mis fin au monopole de la tarification horokilométrique, que peuvent désormais adopter aussi les VTC. En revanche, les taxis ont obtenu l’interdiction pour les services de VTC d’afficher une géolocalisation des véhicules disponibles sur leurs applications mobiles.
Mardi 26 janvier, le premier ministre, Manuel Valls, a annoncé le renforcement des contrôles des VTC, et la nomination d’un médiateur, Laurent Grandguillaume, qui a trois mois pour proposer une solution.