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sadfrog le 9 mars 2016

 

Cette semaine, je fouillais parmi les revues, les livres et les papiers qui, entre deux déménagements, ont trouvé asile dans un grand carton.  

Je ne cherchais rien en particulier; c'est vraiment au hasard qui mes yeux sont tombés sur la revue de théâtre « L’Avant-scène avec, sur la couverture, l’image d’une vieille dame qui annonçait la pièce « la Matriarche », écrite par Gilbert Léautier en 1978.

La vieille grand-mère occupe l’unique fauteuil de la salle a manger où la table est dressée pour un réveillon de Noël.  Autour d’elle, la famille s’affaire, mais ce sont les commentaires de la vieille qui forment la base de la pièce.

J’aurais dû jouer cette pièce dans les années 80 mais pour une raison que j’ai oubliée, cela ne s’est pas fait, mais je n’ai pas oublié le plaisir que j’avais à lire ce texte. Le texte fait rire mais à l’arrière fond on est conscient de la tristesse et de la frustration chez une personne âgée.

En voici quelques lignes de la grand-mère :

La grand-mère : « A chaque réveillon on m’impose une cuillère et une bavette au lieu d’une fourchette ! 

Vieux = Bouillon, et je meurs de faim au milieu des steaks saignants, des choux-fleurs sauce tendresse et des frites grandes illusions.  Alors je me rattrape sur les à-côtés : papillotes, chocolats, biscuits.  Pendant que les autres saucent, moi je suce.  Pendant que les autres rotent du mousseux et mastiquent du foie gras, je grapille, je grignote, je cacahuète.  Et après ?  Je picore encore, je pique-nique un peu, je mangeotte, je friandise.

Et après ?  Je dissèque ce que j’ai embecqué.  Je scalpel ce que j’ai ingéré. J’émiette ma pitance et je rêve d’un gros gras grand plat que je recomposerais avec tous ces débris…  Un plat qui me ferait des taches partout, des papillons de beurre sur ma robe, de la sauce en longues traînées verdâtres, des chiures de jaune d’œuf… »

La famille : « Voilà votre potage, Mémée ! »

La grand-mère : « Voilà mon potage, quand passe la dinde !  J’enrage !  Pour me faire remarquer, je casse !

-Oh, c’était un verre !

-Oh, c’était un couvert !

-Oh, c’était une bouteille !

J’ai la dent de sagesse qui devient furieuse.

-Oh, c’était un autre verre.

-Oh, c’était une autre bouteille.

Moi rancunière ? Allons donc !  Bonjour la Dinde.  Sais-tu que tu es ridicule ainsi pelée, bouclée, ficelée ?   Moi, rancunière ?  Allons donc !  Aux lions, la dinde,  aux lions !  Ce n’est pas de la rancune, c’est de la haine !»