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La boîte noire des paradis fiscaux

Panama Papers

 

Le Monde ouvre la boîte noire des paradis fiscaux

Le Monde et 106 médias internationaux ont travaillé sur les données internes du cabinet panaméen Mossack Fonseca, l’un des leaders mondiaux de la domiciliation de sociétés offshore et l’une des clés de voûte du business opaque des paradis fiscaux.

Avec plus de 10 millions de documents, les «Panama Papers» sont le plus massif des «leaks» journalistiques.

Tout au long de la semaine, une série de révélations, concernant des personnalités étrangères et françaises, seront publiées dans le quotidien et sur le site.

To Understand the Panama Papers in 3 minutes Click Here (in French)

 Panama Papers » : Le récap’, épisode 1

LE MONDE |  | Par 

Le récap, épisode 1.
Le récap, épisode 1. EVA BJÖRK ÆGISDÓTTIR/ERIC GAILLARD/REUTERS, MONTAGE LE MONDE

Le Monde et un consortium international de 107 médias lancent dimanche 3 avril et durant toute la semaine une série de révélations de grande ampleur sur le monde opaque des paradis fiscaux et de ceux qui en profitent.

Si vous vous sentez un peu perdu(e), voilà ce qu’il fallait retenir de la journée de dimanche dans les #PanamaPapers.

1. Qu’est ce que c’est que cette histoire de Panama Papers ?

Le consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a eu accès à plus de 11 millions de documents émanant d’une firme panaméenne de domiciliation de sociétés offshore, Mossack Fonseca, qu’a pu se procurerle journal allemand Süddeutsche Zeitung. Ces documents remontent à 1977 et vont jusqu’en 2015.

Si elle a récemment été éclaboussée par deux scandales financiers, Mossack Fonseca a pourtant plutôt l’habitude de voler en dessous des radars. Les seules personnes réellement au courant de son existence sont les banques, les avocats fiscalistes, les cabinets de gestion de fortune, etc. Et pour cause, le travail de Mossack Fonseca est de créer et domicilier des sociétés basées dans des paradis fiscaux qui sont achetées par des intermédiaires pour leur riche clientèle. Autant dire, un rouage essentiel de la machine offshore.

Personne d’autre que les initiés n’avait eu, jusqu’à maintenant, l’occasion d’appréhender de l’intérieur le business de l’offshore avec une telle précision. Le Monde vous expliquera toute la semaine ce que contient la fuite, pourquoi c’est important, ses possibles conséquences sur la finance mondiale.

Lire aussi :   Chefs d’Etat, sportifs, milliardaires: premières révélations des « Panama Papers » sur le système offshore mondial

2. Poutine et sa bande

image: http://s1.lemde.fr/image/2016/04/03/534x0/4894872_6_542f_au-centre-vladimir-poutine-avec-maria-sa_df33d6e1a44b209ed533e0898d76e527.jpg

Au centre, Vladimir Poutine, avec Maria, sa dernière-née dans les bras. A ses côtés, Lioudmila, bouquet de fleur en main. De part et d’autre du couple, les parrain et marraine du bébé, Sergueï et Irina Roldouguine.
Au centre, Vladimir Poutine, avec Maria, sa dernière-née dans les bras. A ses côtés, Lioudmila, bouquet de fleur en main. De part et d’autre du couple, les parrain et marraine du bébé, Sergueï et Irina Roldouguine. DR

Ce que révèlent notamment les Panama Papers, c’est l’utilisation qu’en font certaines personnalités politiques de premier plan. Les riches amis oligarques de Vladimir Poutine, l’actuel président russe, ont profité de leurs liens avec le pouvoir pour s’en mettre plein les poches. C’est aussi le cas du meilleur ami du président russe, qui aurait servi de prête-nom pour le compte de Poutine pour détourner de l’argent des entreprises publiques. Selon nos estimations, au moins deux milliards de dollars auraient été transférés dans des sociétés écran dans différents paradis fiscaux.

Lire aussi :   « Panama papers » : la finance offshore, « machine à cash » du clan Poutine

image: http://s1.lemde.fr/image/2016/04/03/534x0/4894875_6_3f79_le-premier-ministres-islandais-et-son-epouse_021a2807ad2e73446578f1f81c50db83.jpg

Le premier ministres islandais et son épouse.
Le premier ministres islandais et son épouse. EVA BJÖRK ÆGISDÓTTIR

3. Le premier ministre islandais et ses amis

Dans les Panama Papers, on retrouve aussi le premier ministre islandais. Il est propriétaire d’une société offshore non-déclarée au fisc. La base de données met aussi en évidence ses connections avec les trois plus grosses banques du pays, qui ont mis à genoux l’économie islandaise lors de la crise financière de 2008, après des années de spéculation. Mais il n’est pas seul. On y retrouve aussi une partie de son entourage politique proche : le ministre des finances, le ministre de l’intérieur ainsi que le chef de son parti politique.

Lire aussi :   « Panama Papers » : en Islande, le chef du gouvernement et deux ministres sur la sellette

4. Platini et ses potes

image: http://s1.lemde.fr/image/2016/04/03/534x0/4894874_6_8996_uefa-president-michel-platini-is-seen-before_4a072d8d036e5876c5d5e5e4f6ec3b4c.jpg

UEFA President Michel Platini is seen before the draw for the 2015/2016 UEFA Europa League soccer competition at Monaco's Grimaldi Forum in Monte Carlo, Monaco August 28, 2015.   REUTERS/Eric Gaillard  - RTX1Q1AV
UEFA President Michel Platini is seen before the draw for the 2015/2016 UEFA Europa League soccer competition at Monaco's Grimaldi Forum in Monte Carlo, Monaco August 28, 2015. REUTERS/Eric Gaillard - RTX1Q1AV ERIC GAILLARD/REUTERS

Les fans de foot savent, depuis le scandale de la Fifa, que ce milieu n’est pas des plus transparents, pour employer une litote. Et voici un nouveau cas, qui touche une gloire nationale du football : Les « Panama Papers » lient Michel Platini, l’ancien président de l’UEFA à un compte en banque et Jérôme Valcke, l’ancien numéro 2 de la FIFA, à un bateau à plusieurs millions de dollars.

Lire aussi :   « Panama Papers » : la mystérieuse société offshore de Michel Platini

Mais on trouve aussi de nombreux autres acteurs du monde footballistique. Joueurs - dont le quintuple ballon d’or Lionel Messi, présidents de club, agents... tout un microcosme qui s’est donné rendez-vous chez Mossack-Fonseca.

 Lire aussi :   La FIFA cède aux charmes de l’offshore

5. Si vous n’avez pas compris

Les Décodeurs vous expliquent :

  • A quoi sert l’offshore ?
  • Pourquoi ce nouveau « leak » est important

Lire aussi :   « Panama Papers »  : une plongée inédite dans la « boîte noire » des paradis fiscaux

  • Le grand lexique de l’offshore

Lire aussi :   « Panama Papers » : le lexique pour tout comprendre

Ne vous inquiétez pas, tous les jours, les Décodeurs reviendront sur les diverses facettes de l’offshore, pour que vous ayez toutes les clés en main pour comprendre.

6. Les Panama Papers à l’étranger

Nous n’avons pas été les seuls à travailler sur les Panama Papers. Voici quelques liens à lire chez nos confrères :

C’est la fuite de données la plus importante de l’histoire du journalisme. C’est aussi la percée la plus spectaculaire jamais effectuée dans le monde obscur de la finance offshore.

Le Monde, associé au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) de Washington et au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, destinataire de la fuite, a eu accès aux 11,5 millions de documents qui révèlent les avoirs cachés, dans des paradis fiscaux opaques, de leaders politiques mondiaux, de réseaux criminels, de stars du football ou de milliardaires.

Parmi eux figurent des proches du président de la Russie, Vladimir Poutine, ou le premier ministre de l’Islande, Sigmundur David Gunnlaugsson, mais aussi de nombreux autres noms de chefs d’Etat ou de personnalitéspolitiques. On y retrouve aussi le footballeur argentin Lionel Messi et le président suspendu de l’UEFA, Michel Platini, parmi nombre de personnalités dont nous évoquerons les cas tout au long de la semaine. Ces documents secrets, extrêmement récents, courent jusqu’à la fin de 2015.

1 500 fois WikiLeaks

Plus de 2 600 gigaoctets de données secrètes ont été découverts, étudiés et analysés par Le Monde et 108 médias partenaires, pendant près d’un an, mobilisant 376 journalistes dans le monde entier.

Au cœur de cette nouvelle enquête, ces « Panama papers », il y a une firme, Mossack Fonseca, un des champions mondiaux de la domiciliation de sociétés-écrans dans les juridictions offshore. Ces entités sont conçues pour dissimuler l’identité de leurs propriétaires réels, et verrouillées de l’intérieur. Mossack Fonseca est établi au Panama, l’un des centres financiers les plus opaques de la planète, considéré comme une plaque tournante du blanchiment, où vient se recycler l’argent du crime et de la fraude.

Un « registre du commerce » offshore

Les « Panama papers », une enquête mondiale sur les paradis fiscaux. QUENTIN HUGON/LE MONDE

Les « Panama papers » mettent en lumière un incroyable tableau : plus de 214 000 entités offshore créées ou administrées par Mossack Fonseca, depuis sa fondation, en 1977, et jusqu’en 2015, dans 21 paradis fiscaux et pour des clients issus de plus de 200 pays et territoires.

Un périple planétaire, donc, qui embrasse les continents et les océans, du Luxembourg au Panama, de la Suisse aux îles Vierges britanniques, des îles Samoa aux Seychelles, de Monaco aux Bahamas.

Il n’est plus ici seulement question des cas particuliers d’une seule banque, comme lors des SwissLeaks de HSBC (2015) ou des UBSLeaks (2016), ni du rôle joué par une seule place financière dans un schéma organisé d’optimisation fiscale pour les multinationales, comme dans les LuxLeaks (2014). Les « Panama papers » offrent une cartographie, presque en temps réel, d’un pan entier de la finance mondiale, jusqu’alors à l’abri des regards.

Toutes ces informations seraient restées secrètes sans l’intervention d’une source anonyme, qui a commencé, au début de 2015, à transmettre cette mine d’or aux journalistes du Süddeutsche Zeitung. Ils avaient alors entrepris d’enquêter sur le rôle de Mossack Fonseca dans les accusations de fraude fiscale visant la Commerzbank, la deuxième plus grosse banque d’Allemagne. Devant l’ampleur des données, le quotidien allemand a décidé de faire appel à l’ICIJ et ses partenaires habituels, afin de partager ses informations, au regard de la précieuse expérience acquise par le consortium en matière d’investigations financières transnationales.

L’authenticité des documents, qui ne faisait guère de doute au regard de leur nombre, a pu être vérifiée à deux reprises, par le journal munichois et Le Monde. Elle a été confirmée par plusieurs lettres envoyées en mars par Mossack Fonseca à ses clients et consultées par Le Monde, mentionnant « un accès non autorisé à [son] serveur de messagerie électronique grâce auquel certaines informations ont été glanées par des tierces personnes ».

Argent gris, noir et sale

Toutes les sociétés offshores des « Panama papers » ne sont pas illégales ou opaques, certaines ont une activité économique véritable et déclarée ou ont été spécialement créées pour faciliter des investissements internationaux. Mais une grande majorité d’entre elles sont utilisées comme sociétés-écrans, pour dissimuler des avoirs grâce au recours à des prête-noms.

C’est ainsi que chez Mossack Fonseca, l’argent propre côtoie l’argent sale, que l’argent gris (celui de la fraude fiscale) côtoie l’argent noir (celui de la corruption et du crime organisé), que les grandes fortunes et les stars du football côtoient les réseaux criminels et les chefs d’Etat corrompus.

Après plusieurs mois de cette enquête hors norme, l’ICIJ et ses partenaires ont pu établir qu’étaient impliqués dans des sociétés offshore 12 chefs d’Etat et de gouvernement (dont six en activité), 128 responsables politiques et hauts fonctionnaires de premier plan du monde entier et 29 membres du classement Forbes des 500 personnalités les plus riches de la planète.

Qui utilise les sociétés offshore des « Panama papers » ? LES DÉCODEURS

Les clients qui désirent se dissimuler et rendre leurs avoirs intraçables sont protégés par trois ou quatre sociétés successives, créées aux quatre coins de la planète, qui s’emboîtent comme des poupées russes pour compliquer le travail des autorités fiscales et judiciaires, et il est souvent ardu, voire impossible, de remonter leur piste.

Les milliers d’échanges internes entre les employés de Mossack Fonseca passés au crible par Le Monde et ses partenaires confirment que les artisans de l’offshore parviennent toujours à conserver un coup d’avance sur les tentatives de régulation mondiales.

Ainsi quand, en 2011, les îles Vierges britanniques sont contraintes, sous la pression internationale, d’abandonner le système des actions au porteur anonymes, un mouvement de balancier s’opère au profit du Panama ou des Seychelles, où de telles pratiques sont encore autorisées.

C’est par ces rebonds d’un paradis fiscal à l’autre, et en exploitant les failles de la régulation par des montages toujours plus complexes, que Mossack Fonseca et ses intermédiaires tiennent en respect les autorités de contrôle.

« Une usine de voitures est-elle responsable du comportement des conducteurs ? »

Interrogé sur son rôle et ses responsabilités, Mossack Fonseca se défend d’avoir offert directement ces services à ces clients, et renvoie la responsabilité vers les quelque 14 000 intermédiaires (grandes banques mondiales, cabinets d’avocats, fiduciaires et autres sociétés de gestion de fortune) qui assurent l’interface avec les bénéficiaires finaux.

Dans un récent entretien accordé à la télévision panaméenne, le cofondateur du cabinet Ramon Fonseca l’a comparé à une « usine de voitures », qui n’est pas responsable des forfaits commis par des voleurs à l’aide des véhicules qu’elle a produits. Dans la plupart des juridictions, la firme a pourtant l’obligation de se renseigner sur les ayants droit des sociétés qu’elle administre, et, si elle faillit parfois à cette obligation, ses correspondances internes montrent qu’elle a souvent connaissance de leur identité.

Quelles solutions ?

Le Panama, centre financier toxique, refuse de coopérer avec les Etats étrangers dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, et a engagé un bras de fer avec l’Organisation de coopération et de développementéconomiques (OCDE), qui coordonne la lutte. Considérant que le problème devenait hautement politique et risquait de compromettre l’efficacité de la lutte contre le blanchiment, l’OCDE a alerté les ministres des finances du G20 (le groupe des vingt pays les plus riches), réunis le 27 février à Shanghaï, en Chine.

Ce que prouvent les « Panama papers », c’est avant tout qu’à l’heure de la mondialisation financière, et malgré les révélations successives et la volonté affichée des Etats à réguler les paradis fiscaux, il demeure toujours aisé pour les banques et leurs clients de se jouer des réglementations nationales. Ce ne sont pas les lois contre le blanchiment qui manquent, mais le contrôle de leur application qui doit être renforcé, partout dans le monde. Le système financier dans son ensemble se doit de réguler le grand Meccano de l’offshore. Il a tout à y gagner.

 

  • Joan Tilouine 
    Journaliste au Monde