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Surfeurs contre écolos

Surfers against ecologists

 

A La Réunion, les requins déchirent le vivre ensemble

Huit attaques mortelles en six ans et un bouc émissaire : la réserve naturelle. Depuis sa création, il y a dix ans, elle oppose surfeurs et écolos, politiques et scientifiques, créoles et « métros ».

Une de plus. Le 21 février au matin, la houle roulait ses reflets métalliques près de la rivière du Mât, à Saint-André, dans l’est de La Réunion. Le ciel charriait de gros nuages après que les pluies de la veille avaient troublé les eaux. Des pêcheurs de bichique, un alevin très prisé sur l’île, avaient prévenu les ­garçons venus avec leurs planches : les requins rôdaient dans le coin. Mais ils n’en ont pas tenu compte. Les vagues, ont-ils dit, étaient « magnifiques, de classe internationale ». Un peu avant 9 heures, Alexandre Naussac, 26 ans, l’un des meilleurs bodyboarders de l’île, surfait sur les rouleaux quand le squale l’a attaqué au bassin et à la jambe gauche. Celui que ses amis surnommaient « Krapo » s’est vidé de son sang. Il était mort à l’arrivée de l’hélicoptère de la gendarmerie et des pompiers, qui l’ont tiré sur les pierres et le sable noirs. C’était la vingtième attaque depuis 2011, la huitième mortelle.

Aussitôt, la nouvelle a couru l’île en une routine macabre. Les médias s’en sont emparés, une élue municipale a rappelé que la zone était interdite aux activités nautiques, le préfet a déclenché « la procédure post-attaque » et des bateaux de pêche ont traqué les requins autour du lieu de l’accident : un seul fut capturé, qui n’était pas le meurtrier. Entre-temps, les messages véhéments avaient envahi les réseaux sociaux, les uns pour dénoncer l’imprudence du surfeur, les autres pour défendre sa passion et tempêter contre ceux qui s’opposent à la pêche des squales.

Querelles et anathèmes

Une fois de plus, Jean-François Nativel, président de l’association Océan prévention Réunion, a déploré un mort, demandé plus d’empathie pour un « être humain » que pour « un poisson », dénoncé les « bureaucrates parisiens » qui « interdisent la mer » au lieu de « repousser les prédateurs ». Une fois de plus, Jean-Bernard Galvès, porte-parole d’un collectif d’associations écologistes, s’est insurgé contre la pêche et les appâts « irresponsables » qui attirent le danger près des côtes. Et une fois encore, la réserve naturelle marine a été mise en cause. Elle est pourtant située de l’autre côté de l’île, loin de l’endroit où a eu lieu l’accident.

M le magazine du Monde  www.lemonde.fr    le 10 mars 2017