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«J’ai fait le choix de la France»

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«J’ai fait le choix de la France» : Claire Koç a vu sa vie bouleversée après avoir changé de prénom

Arrivée de Turquie à l’âge d’un an, mariée sous la contrainte, moquée parce qu’elle était «trop française», la journaliste explique dans son livre «Claire, le prénom de la honte», qui sort ce mercredi, son «coming out identitaire» et la rupture avec sa famille.

«Quand j’ai vu Claire sur ma carte d’identité, je me suis enfin sentie apaisée», confie la journaliste Claire Koç. Eyes And Pix/Faure Lionel

« C'est comme un coming out identitaire. » En changeant de prénom au moment de sa naturalisation pour devenir Claire Koç, celle qui s'appelait jusqu'alors Çigdem (prononcez « Tchidème »), a rompu en 2008 avec plus de vingt-cinq ans de tiraillements et de violence au cœur d'une famille qui la cantonnait à son identité turque, le pays d'où elle était arrivée à l'âge d'un an. La journaliste âgée de 37 ans, raconte son histoire dans le livre « Claire, le prénom de la honte », qui paraît ce mercredi 10 février. « C'est un témoignage personnel, je ne fais pas de politique », précise-t-elle, alors qu'elle lance de lourdes attaques dans son livre contre « les multiculturalistes » ou les « bien-pensants » qu'elle mentionne à 25 reprises en 200 pages.

La journée où Claire a reçu sa carte d'identité ne s'est pas passée comme elle l'escomptait. Le meilleur d'abord, lors de la cérémonie de remise à la préfecture du Bas-Rhin : « Quand j'ai obtenu la nationalité française et que j'ai vu Claire sur ma carte d'identité, je me suis enfin sentie apaisée. J'ai toujours entendu dire : C'est génial, t'as une double culture. Non, à chaque fois, mes parents et mes copains me reprochaient d'être française. Et au boulot, ça n'allait jamais. J'ai fait un choix d'apaisement et de cœur, le choix de la France. »

Une enfance oppressante

Le pire, ensuite, à la cité Nucléaire de Strasbourg où elle avait réuni ses parents et quelques amis : « Mes parents m'ont dit que Claire voulait dire sale en anatolien (NDLR : un dialecte turc). Mes amis, ceux à qui je voulais ressembler et dont je pensais qu'ils allaient dire : Super, une Française de plus, se sont indignés quand ils ont appris que j'avais osé chanter la Marseillaise, un chant d'une violence incroyable, super-raciste selon eux… Ils me voyaient encore comme une étrangère. »

Cet épisode prolonge une enfance oppressante pour cette fille d'alévis (une minorité religieuse) qui entend régulièrement « Tout en toi pue la France », en plus d'autres brimades. « Les alévis ne vont pas à la mosquée, ne font pas le ramadan. On était persécutés à l'école et dans notre cité. On se faisait tabasser dans la cour, en bas de l'immeuble. On nous traitait de sales Turcs, de mauvais musulmans, de sales Français. On n'était jamais bien. »

«J'étais devenue infréquentable»

Alors qu'elle aime Charles Aznavour et Julien Clerc, la fillette voit sa famille se replier sur elle-même au tournant des années 1980 et 1990. « A partir d'un moment, on m'a dit : C'est Français, tu arrêtes, c'est interdit. Quand les paraboles sont arrivées dans notre cité HLM du sud de Rennes et que les derniers Gaulois sont partis, il y a eu un vrai repli. Juste avant, Delon et Belmondo étaient à la maison, ma mère passait ses journées à écouter Véronique Sanson. Et puis il y a eu ce tournant, progressivement. Ils ont commencé à regarder des films turcs, puis les infos, puis les magazines people de l'après-midi et Tournez manège en version turque… Il n'y avait plus de France. Et ils ont arrêté de progresser en français. Les associations qui leur disaient que si on leur demandait de faire un effort, c'était du racisme, n'ont pas aidé. Le résultat, c'est qu'à 45 ou 50 ans, ils ne pouvaient pas aller à la pharmacie tout seuls. »

Sa séparation après un mariage communautaire forcé sous la pression familiale finira d'ostraciser la jeune femme dans son quartier : « Les gens changeaient de trottoir en me croisant dans la cité, parce que j'étais devenue infréquentable. J'avais 24 ans. C'était très mal, j'étais une pute. » Elle n'y vit déjà plus lorsqu'elle devient Claire Koç.

Transmettre à son fils sa double culture

Au-delà du cercle familial et amical, son changement d'identité se fait aussi dans la douleur, notamment quand elle en informe la télévision locale où elle travaille. « Une personne m'a demandé : Claire? Et pourquoi pas Monique. » Surtout, la néo-Française regrette qu'on la renvoie à ses origines : « Le premier jour de mon stage dans une rédaction privée parisienne, j'ai été gentiment accueillie par une journaliste, mais la première chose qu'elle m'a dite c'est : Toi, tu ne me la fais pas, dis-moi ton vrai prénom. J'ai aussi trouvé ça très violent qu'on me renvoie toujours à la Turquie, comme une assignation à résidence perpétuelle. Dès qu'il y avait un sujet sur Erdogan, on me disait : Ton président. Ce n'est pas parce que j'ai parlé une fois de mes origines qu'il faut m'y ramener tout le temps. Quand c'est tous les jours, ça devient de la xénophobie. Moi, je suis française. »

Ce n'est finalement pas son changement de prénom, mais son mariage quelques années plus tard qui a fini de rompre le lien de Claire Koç avec sa famille. « Mon père m'a dit que j'avais fait un mauvais choix en épousant un Français doublé d'un chrétien. Je lui ai répondu que dans ce cas, il ne fallait pas venir en France. » A son fils, qui s'impatiente pendant qu'elle achève son interview, Claire a donné un prénom français, sans tourner le dos à ses propres racines, assure-t-elle : « Je vais lui transmettre mon amour pour la cuisine turque, on écoutera parfois de la musique turque… Je ne vais pas renier cette identité qui est écrite sur les traits de mon visage. »

Par Yves Leroy  Le 10 février 2021  www.leparisien.fr

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