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Le Discours d'un roi

A King's Speech

 

Comment faire un roi d'un prince bègue (Movie review by a French critic)

Voici une nouvelle manifestation du narcissisme britannique que l'on pourrait résumer ainsi : "Nous sommes laids et ennuyeux, mais, by Jove !, nous avons raison !" En un royaume grisâtre, entre les deux guerres, alors que l'Empire commence à se fissurer, le vieux souverain vacille au bord de la tombe. Il a deux fils, l'un est un roué qui s'est épris d'une divorcée américaine, l'autre est un brave garçon à l'estomac fragile et à la diction plus qu'incertaine, ce qui tombe mal puisque les postes de TSF envahissent les foyers, de Hongkong à Vancouver en passant par Londres.

  

Le Discours d'un roi raconte comment Albert, duc d'York (Colin Firth), a réussi à devenir George VI avec l'aide de Lionel Logue (Geoffrey Rush), un orthophoniste hétérodoxe et australien. De cette cour royale prisonnière de la naphtaline victorienne, de ce pays montré dans sa magnifique laideur - la reconstitution du Londres d'avant le Blitz est remarquable, faite avec peu de moyens -, émerge un héros ordinaire à qui Colin Firth confère son admirable humanité.

Beaucoup de femmes estiment que cet acteur est le plus séduisant des hommes. Au début du film, on le découvre enlaidi, entravé par son bégaiement, les mâchoires crispées. Il sait aussi faire luire son amour paternel, parvenant à inventer un conte charmant pour ses filles Elizabeth et Margaret, à qui il fait oublier son handicap.

Face à son rusé thérapeute, il est parfois hautain, toujours vulnérable. Malgré ses admirables efforts pour surmonter son bégaiement, on a du mal à adhérer à l'avalanche de louanges dont le couvrent les personnages secondaires. Sa détermination à vaincre son handicap n'en fait quand même pas un nouveau vainqueur d'Azincourt.

Mais s'il est une dimension dont ce Discours est dépourvu, c'est bien l'ironie. La séquence qui montre comment le frère du roi bègue, Edouard VIII, s'était installé avec son amante, Wallis Simpson, à Balmoral, fait penser d'une certaine manière à La vie est belle. Dans le film de Frank Capra, James Stewart découvrait sa ville comme elle aurait été s'il s'était suicidé : l'antre du vice et de la débauche, avec beaucoup de musique et de belles filles, un endroit où l'on aimerait mieux habiter que dans la petite ville de province où James Stewart finira ses jours.

"Je me fais boulotte"

Quand le duc et la duchesse d'York découvrent le château écossais aux mains du souverain débauché et de sa concubine, on se croirait dans une comédie musicale des années 1930. Si Edouard VIII n'avait pas abdiqué, la monarchie britannique aurait été instable et amusante, ce qu'elle n'est jamais devenue, malgré les efforts de Diana Spencer. Cette possibilité est à peine effleurée, et Edouard, qui deviendra duc de Windsor, est montré avec une réprobation digne des mânes de son arrière-grand-mère Victoria.

Dans le rôle de l'orthophoniste, Geoffrey Rush, qui peut être un comédien formidablement complexe, reste lui aussi près du premier degré. Ce petit-bourgeois égalitariste, qui refuse de soigner le souverain ailleurs que dans son modeste cabinet, ne tarde pas à rallier la cause monarchique. L'amitié qui lie les deux hommes est présentée comme d'autant plus remarquable qu'elle ne les force pas à remettre en cause leur position qui au sommet, qui à la base de la pyramide sociale.

Plus irritant est la thèse avancée selon laquelle l'éloquence simple de George VI aurait permis de faire pièce à l'art oratoire enflammé d'Adolf Hitler. La complaisance du Royaume-Uni face à l'Axe dans les années 1930 est balayée sous le tapis comme la poussière par l'écureuil de Blanche-Neige.

Ces sentiments simples sont incarnés avec assez de brio pour que le plus régicide des Jacobins se laisse emporter. D'autant que le cinéaste Tom Hooper laisse la bride sur le cou à Helena Bonham Carter en duchesse d'York. Elle seule joue avec les règles de la reconstitution. Ceux qui se souviennent de feu la "Queen Mum" (surnom affectueux que l'on donnait à la mère d'Elizabeth II) savent que celle-ci n'a jamais ressemblé à l'actrice d'élection de Tim Burton. Mrs. Bonham Carter joue de cette ambiguïté, et le meilleur moment du film reste celui qui l'entend dire "I'm getting plump" ("Je me fais boulotte"). On se souvient alors que cette histoire est un conte de fées pour grandes personnes et qu'on n'est pas obligé d'y croire pour s'y amuser.

LA BANDE-ANNONCE (voir les vidéos du jour)

 

Film britannique de Tom Hooper avec Colin Firth, Geoffrey Rush, Helena Bonham Carter. (1 h 58.)


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