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Dromadaires menacés de mort

Death threat for camels

 

Les dromadaires australiens victimes du réchauffement

Victimes inattendues du changement climatique, des milliers de dromadaires sont menacés de mort dans l'outback australien. Non par le réchauffement lui-même, mais par la "carbon farming initiative" imaginée par Canberra pour inciter les agriculteurs, les gestionnaires de forêts et les communautés aborigènes à réduire les rejets de gaz à effet de serre du secteur agricole, qui comptent pour près d'un quart des émissions du pays, en échange de crédits carbone négociables sur les marchés internationaux.

Curieusement, l'abattage de dromadaires figure parmi les premières mesures susceptibles de générer des crédits carbone, selon le texte de loi que doit examiner le Parlement australien dans les tout prochains jours. Au même moment, la proposition du premier ministre travailliste,Julia Gillard , de créer une taxe carbone à partir de juillet 2012, prélude à l'ouverture d'un marché carbone à partir de 2015, rencontre une vive opposition.

Un million de camélidés, introduits en Australie au XIXe siècle pour aider à construire le pays, errent désormais à l'état sauvage dans le bush. Sans prédateurs, les animaux prolifèrent. Leur population pourrait doubler dans les dix prochaines années.

Finance carbone

Cette invasion est dénoncée depuis belle lurette par les Aussies : les camels assèchent la ressource en eau, ruinent l'écosystème, menacent les espèces indigènes, assiègent même les villages en cas de sécheresse... La tentation est grande de s'en débarrasser. Mais l'opération, qui nécessite des hélicoptères, des 4 × 4, des tireurs d'élite armés de fusils à lunette, est ruineuse financièrement, sans parler de la gestion des carcasses.

La solution : éradiquer ces ruminants à bosse via la finance carbone ! Un dromadaire émet 45 kg de méthane chaque année, soit près d'une tonne d'équivalent CO2. "D'ici à 2020, cela représentera 2 millions de tonnes de CO2 rejetées dans l'atmosphère chaque année, il s'agit d'une contribution majeure au changement climatique", avertit Tim Moore , le directeur de la société australienne Northwest Carbon, qui s'apprête à proposer aux investisseurs ces crédits carbone issus de la "gestion de troupeaux sauvages".

Mettre à mort le million de camélidés australiens reviendrait à retirer 300 000 voitures de la circulation, soulignent les promoteurs de cette mesure.

Solution absurde, clament d'autres voix, comme l'ancienne ministre du changement climatique Penny Wong : la comptabilité des émissions de gaz à effet de serre par les Nations unies ne s'attache qu'aux animaux domestiques, pas aux troupeaux sauvages. D'éventuels crédits carbone ne seraient pas conformes aux critères du protocole de Kyoto, ce qui les exclurait d'une large part du marché carbone.

Ironiquement, ce sont donc les quelques dromadaires exhibés dans les zoos ou chevauchés par les touristes, et non le million de camélidés sauvages, qu'il faudrait abattre pour aider le pays, qui affiche un niveau d'émissions de CO2 par habitant parmi les plus élevés de la planète, à respecter ses engagements internationaux.

Grégoire Allix Article paru dans l'édition du 11.06.11 du Monde Photo: REUTERS