Le potager de Versailles
The vege garden at Versailles
Versailles, rayon fruits et légumes
Si Versailles m'était planté… Le château du Roi Soleil était plus que la résidence officielle de la cour et le siège du pouvoir central. Au temps de Louis XIV, Versailles, au nom du progrès technique, était un laboratoire ouvert à toutes les sciences et expériences, et en premier lieu à la naissance de l'agronomie moderne avec la figure emblématique de Jean-Baptiste La Quintinie (1626- 1688).
Féru d'auteurs anciens comme Pline, le directeur des jardins fruitiers et potagers des maisons royales est l'auteur d'un des premiers traités agronomiques radicalement novateurs : Instructions pour les jardins fruitiers et potagers. Concepteur d'autres jardins à Vaux-le-Vicomte, Rambouillet, Chantilly et Sceaux, l'ancien avocat au barreau de Paris révolutionne les habitudes jardinières en imaginant de nouvelles productions légumières.
Pour mettre sur pied l'actuel Potager du roi (situé à l'extérieur du parc), il fait entreprendre un chantier titanesque sur un ancien terrain marécageux, appelé “l'étang puant”. Jules Hardouin-Mansart en réalisera les terrasses et les murs. Après des travaux de drainage, d'assèchement et de déplacement de terres fertiles, le jardinier-agronome s'attache à une lourde fonction : fournir en fruits et légumes la table du roi. Le meilleur, et en quantité, car le monarque a l'exigence d'un gourmet et l'appétit d'un Pantagruel.
Le talent de La Quintinie fut de parfaire l'art du jardinage en protégeant les plantes des vents et en cherchant à améliorer les expositions au soleil. La mise en place de châssis et de serres, l'utilisation de cloches et l'épandage de fumier améliorent les rendements et accélèrent la maturation. Par ses innovations, il deviendra le maître de l'art des primeurs et sera le premier à défier le cycle des saisons.
Un jardin, une envie, un roi… Les jardiniers cultivent le meilleur des végétaux avec un soin attentif pour les asperges fines et blanches, les artichauts fondants, les salades vertes croquantes, les petits pois printaniers, les melons sucrés, les pommes, poires, figues, fraises gorgées de soleil car Louis XIV les affectionne particulièrement, au même titre que les potages – à cette époque il s'agissait de préparations cuites dans un pot, souvent des ragoûts et non des soupes.
La vie de château se poursuit jusqu'au potager, qui s'étend sur neuf hectares. Le roi aime y aller. La Quintinie raconte qu'il “avait même appris à tailler les arbres fruitiers”. Le souverain prend plaisir à se promener sur la terrasse surplombant les carrés de légumes disposés autour du grand bassin, accompagné d'invités de marque comme l'ambassadeur du Siam ou le doge de Venise. “Tout autour du Grand Carré, derrière de hauts murs, vingt-neuf jardins clos abritent arbres fruitiers, en forme libre ou conduits en espaliers, légumes et petits fruits” : ainsi est présenté le lieu aux visiteurs.
Aujourd'hui classé monument historique, le site, ouvert au public depuis vingt ans, est géré par l'Ecole nationale supérieure du paysage. Les tonnes de fruits et légumes récoltées sont chaque année vendues dans la boutique à l'entrée du potager, dont quelques variétés de poires et de pommes uniques, des confitures, jus et compotes ainsi qu'une sélection de livres. Le potager de Versailles vaut bien une promenade.
Andrée Nomexy